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Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris, est la Marraine de la LGBTI+ Pride Lille 2018.
Quelques liens illustrant son parcours :
– 7 juillet 2017 : critique des arrêts de la Cour de cassation du 5 juillet 2017 qui privent un enfant de sa mère : http://www.huffingtonpost.fr/caroline-mecary/gpa-etat-civil-la-cour-de-cassation-prive-un-enfant-de-sa-mere_a_23019307/
– 3 juillet 2017 : lettre ouverte au président de la République pour l’ouverture de la PMA : http://www.lejdd.fr/style-de-vie/pma-les-paroles-cest-bien-les-actes-cest-mieux-3377846
– Portrait du Monde de mars 2010 : http://www.lemonde.fr/elections-regionales/article/2010/03/18/avocate-de-combats_1321051_1293905.html
Pour en savoir+, rendez-vous sur Wikipedia, détaillant son travail et ses victoires judiciaires obtenues pour nous depuis 20 ans : https://fr.wikipedia.org/wiki/Caroline_Mécary

C’est un honneur et un plaisir que d’être, cette année 2018, la marraine de la Marche des Fiertés de Lille car je n’ai pas oublié que la première ville où les associations de défense LGBTI+ qui m’ont invitée à débattre, à l’époque du Pacs, a été Lille.
Cela fait plus de 20 ans que je suis engagée comme avocate pour l’Egalité des droits des personnes LGBTI+, et je sais combien ces combats sont essentiels à la société toute entière car ils assurent à chacun une égale place dans la République sous la bannière de la devise républicaine.
Toutes ces années m’ont permis de comprendre que l’Egalité des droits est quelque chose que l’on ne vous donne jamais. Les droits, lorsque l’on « appartient » à une minorité, cela se conquiert ! Bien sûr depuis 1982 la France a fait des progrès considérables en dépénalisant les pratiques homosexuelles, en instaurant le Pacs, puis en acceptant le partage de l’autorité parentale au sein des couples homosexuels, pour finir par ouvrir le mariage civil et l’adoption à tous les couples, sans omettre la répression des discriminations dans l’emploi ou le logement ou la poursuite des injures et des diffamations à raison de l’orientation sexuelle ; autant de combats qui n’auraient pas été possibles si nous n’avions pas tout.e.s œuvré à ces conquêtes, à partir de la place qui est la nôtre.
Nous avons encore du chemin à parcourir lorsque l’on voit que des couples de femmes ou d’hommes sont agressés dans l’espace public à cause de leur orientation sexuelle, lorsque le don du sang implique toujours une abstinence d’un an quand on est gay, lorsqu’on apprend avec stupéfaction qu’un tribunal administratif peut annuler la décision d’une municipalité et tranquillement perpétuer la discrimination qui frappe les personnes LGBTI+, ou que des juridictions refusent encore de prononcer l’adoption de l’enfant du conjoint en raison de son mode de conception (PMA ou GPA) et je ne parle même pas du flot d’injures homophobes et transphobes qui se déversent chaque jour sur les réseaux sociaux.
Plus particulièrement cette année, nous avons la responsabilité d’investir les États Généraux de la bioéthique, de les nourrir de notre expertise singulière afin notamment que la PMA soit ouverte à toutes les femmes et à toutes les personnes en projet parental pour que cesse l’immense hypocrisie actuelle. Cette extension de la PMA à toutes les femmes et à toutes les personnes en projet parental est une nécessité, car la France est à la traine lorsque l’on sait que 26 pays membres du Conseil de l’Europe ont déjà ouvert la PMA aux couples de femmes, aux femmes célibataires et à toutes les personnes en projet parental.
Allons plus loin que la législation actuelle sur la PMA et revendiquons une législation qui soit comparable à la législation belge ou à celle du Royaume-Uni ou encore celle du Québec. Dans ces pays, lorsqu’un couple de femmes décide de fonder une famille et de recourir à une PMA, les deux femmes s’engagent irrémédiablement à être parent, de sorte que l’enfant dès sa naissance dispose d’un acte de naissance avec la mention de ses deux « mères ». Ce principe de co-maternité, posé d’emblée dès la naissance de l’enfant, permet d’éviter les aléas d’une rupture ou de l’appréciation d’un tribunal qui refuserait de prononcer l’adoption de l’enfant du conjoint. Il est donc éminemment protecteur pour l’enfant.
Nous devons investir absolument tous les lieux de débats et porter haut et fort cette revendication légitime, car elle est aussi une question de justice sociale ; en effet seules les femmes qui bénéficient de certains moyens peuvent se rendre à l’étranger sans trop de difficulté pour obtenir ce qu’elles ne peuvent pas obtenir aujourd’hui en France. Une telle situation de discrimination par l’argent n’est pas acceptable. Il faut rappeler à notre société que le degré de civilisation d’une société se mesure à l’aune du traitement qu’elle réserve à ses minorités et qu’aujourd’hui il n’y a absolument aucune raison objective pour que les couples de femmes, les femmes célibataires et toutes les personnes en projet parental se voient priver de la possibilité de fonder une famille grâce à la PMA.
Parallèlement à la question de l’ouverture de la PMA, je pense que le temps est venu de commencer à élaborer une réflexion sur ce que pourrait être une loi française qui légaliserait la gestation pour autrui comme nombre de pays . En tout état de cause, il faut demander que les enfants nés par la GPA voient leur état civil pleinement reconnu, ce qui n’est toujours pas le cas en raison d’une position inique de la Cour de cassation.
Nous devons aussi continuer le combat pour les personnes trans et notamment la nécessité de simplifier encore et toujours les procédures qui permettent de changer la mention du sexe sur l’acte de naissance, à l’instar d’une législation comme celle de l’Argentine.
Les Marches des Fiertés sont un moment important et nécessaire dans notre vie citoyenne au sein de la société française. Chaque Marche des Fiertés est une manière de dire que nous n’avons pas à nous cacher, que nous n’avons pas à être honteux de ce que nous sommes et encore moins à nous justifier. Chaque marche fait de nous des citoyen.ne.s engagé.e.s, conscient.e.s des enjeux politiques de la société dans laquelle nous souhaitons vivre et celle que nous façonnons pour celles et ceux qui viendront après nous ; une société ou chaque citoyen.ne a une place quelle que soit sa ou ses différences, différences qui ne sauraient justifier une quelconque discrimination.
Enfin, nous devons être extrêmement vigilant.e.s face à la montée de ces porte-paroles néo-réactionnaires qui chérissent et Maurras et Barrès, qui louent et Céline et Drieu la Rochelle, envahissant l’espace médiatique au prétexte qu’ils seraient les victimes d’une censure, alors qu’ils sont les agents d’une propagande nauséabonde fondée sur une vision hiérarchique de la société, une vision où la femme serait inférieure à l’homme où l’homosexualité serait inférieure à l’hétérosexualité, quand elle n’est pas considérée comme une abomination. Nous marcherons aussi pour dire à ces ectoplasmes, fervents adorateurs d’une société d’exclusion, que nous sommes des citoyen.ne.s debout face à leur sectarisme, que nous œuvrons pour l’inclusion de chacun.e dans sa diversité sous l’aune des lois de la République qui permettent que sa devise soit réellement respectée et honorée.
Marchons aussi pour que les pensées rances et putrides des nostalgiques d’un autre âge soient repoussées loin de nous comme les miasmes morbides du poète.
Marchons pour que l’Egalité des droits progresse encore et toujours.
Vive la Marche des Fiertés de Lille.
1 Royaume-Uni, Ukraine, Portugal, Russie, Grèce, Israël, Inde, différentes provinces du Canada, différents États aux USA, Australie, Brésil etc, sans parler des pays qui ne l’interdisent pas, sans l’encadrer comme par exemple la Belgique.
2Cass Civ 1ere, 5 juillet 2017 , pourvois n°15-28597, 16-16901, 16-50025, 15-28597.